BEETHOVEN AT NIGHT
Paul Lay est un Marvel du piano. Un superhéros des 88 touches, les pliant sous ses doigts à sa volonté.
Il fait partie de cette génération mutante qui a grandi un pied dans le classique, un pied dans le jazz, et comprend la vérité inhérente à chacune de ces traditions. L’une, multicentenaire, s’attache depuis toujours à la clarté et l’intonation mélodiques, à la beauté des formes et des polyphonies, tandis que l’autre, toute jeune encore d’à peine un siècle, explore avec obstination toutes les possibilités rythmiques et harmoniques de l’improvisation.
Rassemblez ces deux héritages, fondez-les dans le moule du Conservatoire Supérieur National de Musique, saupoudrez de génie, laissez durcir quelques années et vous avez Paul Lay. Inutile de dire qu’il n’est pas passé inaperçu : à 30 ans, il se voit décerné pour son deuxième disque le prix de l’Académie Charles Cros, deux ans plus tard c’est le prestigieux prix Django Reinhardt distinguant le meilleur musicien de l’année, puis en 2020 les Victoires du Jazz qui confirment ce verdict.
Aussi c’est en pleine possession de ses moyens que, à la demande de René Martin pour son édition 2020 des Folles Journées de Nantes, le pianiste s’est penché cette année-là sur les œuvres de Beethoven dont on célébrait le 250ème anniversaire. Le répertoire ? Certaines de ses mélodies universelles telles que la Sonate au clair de lune ou la lettre à Élise, en passant par l’Hymne à la joie ou sa Symphonie n°7, mais aussi des compositions de Paul, inspirées par la musique du Maître et la visite des lieux où ce dernier a vécu : Vienne, Heiligenstadt…
Il peut être très risqué de s’attaquer à un tel répertoire, et c’est là que d’être un superhéros fait toute la différence. Car ni la technique, ni les idées, ni le goût du risque ne font défaut à Paul lorsqu’il reprend ces thèmes inoubliables (dont certains sont des cauchemars de voisins de pianiste, je pense en particulier à la Lettre à Élise !). Ils les enfile comme un gant avec l’aisance d’un jazzman qui joue les grands standards, et fait apparaître dans l’oeuvre de Beethoven le mélodiste éblouissant qui ne demande qu’à être repris, dérivé, ré-inventé avec le temps qui passe sans rien lui retirer de sa modernité.
Aucune hésitation ou fausse pudeur n’entachent cette conversation du pianiste avec son instrument. L’exercice du solo est ardu, mais le risque est multiplié lorsqu’il s’agit d’enjamber les siècles pour tutoyer les monstres sacrés, et la seule solution est de s’y donner entièrement. C’est donc un véritable saut de l’ange que cet enregistrement donne à entendre, celui d’un Marvel du piano habité par une musique à laquelle il donne tout. En full solo.
Laurent de Wilde
Cette possibilité de création à Nantes m’a permis de me replonger dans l’œuvre de Beethoven. J’ai écouté, déchiffré, analysé de nombreux opus.
Ce qui m’a frappé à chaque fois, c’est la puissance des formes. Chaque pièce se « tient » magistralement. La difficulté de ce projet résidait dans le juste équilibre, la juste distance entre la beauté, la perfection de ces pièces et les nouveaux espaces crées par mes improvisations sans que l’ensemble de la pièce s’effondre.
Je voulais développer au piano des nouvelles formes à partir de certains incontournables de Beethoven tout en y conservant l’esprit du compositeur: du rythme, des mélodies entêtantes, des ruptures, du silence et surtout: du Mystère.J’ai également voyagé à Vienne le temps d’un court séjour afin de m’inspirer de cette ville dans laquelle Beethoven a résidé longtemps. C’est là que j’ai composé les autres titres de l’album. Chaque titre se réfère à une humeur, une sensation survenues lors de mes déambulations.
Paul Lay